samedi 10 octobre 2009

Un groupe de travail sur l'informatisation

Le texte ci-dessous reproduit mon exposé du 30 septembre 2009 au dîner inaugural du Groupe de travail sur l'Informatisation que vient de mettre en place l'Institut Montaigne.

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Pourquoi l’informatisation ?

L’informatisation transforme en douceur l’économie, les organisations, la société. Cette transformation est aussi importante que celle qu’a entraînée la mécanisation : il est utile de les comparer pour anticiper l’ampleur des changements qui nous attendent, et pour évaluer les enjeux à leur juste portée.

Elle diffère cependant de la mécanisation, car l’automate assiste notre cerveau alors que la machine remplaçait nos muscles et nos mains. Elle touche ainsi à notre organe le plus précieux, le plus sensible…



Nombreux sont ceux qui ont compris que cela faisait émerger un nouveau monde, plein de possibilités nouvelles et aussi de dangers nouveaux : le sujet de notre GT n’a donc rien de profondément original, rien de révolutionnaire au plan intellectuel. Par contre, ce GT peut avoir des conséquences pratiques si nous nous y prenons bien.

On observe en effet dans les entreprises, dans les institutions, dans les grands systèmes publics, des réticences, blocages, erreurs de toutes natures. Les consultants disent que 95 % de leur temps est consacré à de la « politique » !

Nous formulerons des recommandations pratiques à l’intention des dirigeants des entreprises et des trois grands pouvoirs de l’État : législatif, judiciaire et exécutif. Pour formuler des recommandations efficaces, puis les faire entrer dans les faits, il faudra de la finesse, de l’entregent, du lobbying enfin ! Et là nous sommes en plein dans la mission de l’Institut Montaigne.

Une des conséquences de l’industrialisation a été la transformation de l’agriculture ; une des conséquences de l’informatisation sera la transformation de l’industrie. L’automatisation de la production transforme l’emploi et introduit les rendements croissants : cela modifie la nature des produits qui deviennent des assemblages de biens et de services, le processus de production qui se partage avec des partenaires, les conditions de la concurrence, les relations de l’entreprise avec ses clients et avec les salariés qui exigent un « commerce de la considération » Mais qui l’a compris ?

Un modèle en couches

L’informatisation s’appuie sur une plate-forme technique : matériel, langages de programmation, algorithmes etc. Mais tout comme dans le métier des armes le secret réside dans la doctrine d’emploi autant ou plus que dans l’équipement.

Au dessus de la couche proprement technique, physique de l’informatique, s’empilent les couches d’une anthropologie : le socle du système d’information réside dans la définition de ses codages, dans la sélection des abstractions, la modélisation des processus, la supervision de la production etc. Tout cela pose des questions sémantiques, philosophiques, psychologiques, sociologiques etc. Les priorités elles-mêmes sont reformulées.

Savoir utiliser l’informatique, c’est là le grand problème d’aujourd’hui. C’est un enjeu stratégique pour l’entreprise, digne de focaliser l’attention des dirigeants. C’est un enjeu géopolitique pour la nation : ceux qui n’auront pas su s’informatiser à temps devront subir la puissance des autres.

Pour la nation, l’enjeu impératif est l’informatisation de ses grands systèmes : santé, éducation, etc. Pour les entreprises, la priorité réside dans la professionnalisation des maîtrises d’ouvrage : tous les grands sinistres informatiques ont pour cause une déficience de la maîtrise d’ouvrage.

Comparaison internationale

Si les rapports de puissance entre nations dépendent de la maîtrise de l’informatisation, il importe de savoir où elles en sont, comment elles s’y prennent.

Les États-Unis ont pris dans la maîtrise des techniques fondamentales de la microélectronique et du logiciel une avance qu’il serait difficile de rattraper. Ils ne sont pas maladroits non plus dans la doctrine d’emploi. Cependant c’est sur ce dernier point que l’Europe, la France, peuvent rivaliser au mieux en tirant parti de leur patrimoine culturel.

Il faut aussi observer ce qui se passe en Asie. En Chine, à Singapour, on ne connaît pas nos blocages, et l’informatisation avance rapidement.
Je n’en dirai pas plus sur ce point, où j’ai beaucoup à apprendre...

Nos recommandations

Avant de formuler des recommandations, il faut se renseigner en détail sur ce qui existe. Il serait ridicule de recommander des mesures déjà prises, ou la création d’une institution qui existe déjà !

Il ne faut pas non plus se laisser intimider par des objections du type « ça existe », par exemple pour l’enseignement ou la santé. Oui, beaucoup de choses existent à petite échelle, dans les laboratoires ou dans des unités pilotes : mais la question n’est pas d’expérimenter à petite échelle, elle est de transformer les grands systèmes dans la masse, dans leur chair même, dans leur activité quotidienne.

De même, dans les entreprises, les « bonnes pratiques » existent déjà : on sait ce qu’il faut faire ! Le problème, c’est qu’on ne le fait pas toujours, ni même souvent.

Il faut donc que nous trouvions la clé qui débloquera, qui ouvrira les possibilités aujourd’hui inutilisées, qui permettra de généraliser les bonnes pratiques que l’on peut connaître aujourd’hui.

5 commentaires:

  1. Bonsoir,

    j'avoue que je ne comprend pas encore très bien vos propos sur l'informatisation de l'institution.
    mais veuillez m'excuser, ce que j'ai dit sur ce sujet était hors de propos.

    je suis très intéressé par ce Groupe de travail.
    je me demande où en sont vos travaux, quels sont les personnes qui y participent, avez-vous déjà des recommandations, etc..

    si il est intéressant de parler de la mécanisation, je ne suis pas certain que les deux phénomènes soient comparables.

    vous dites que:"Nombreux sont ceux qui ont compris que cela faisait émerger un nouveau monde".

    le concept de nouveau monde est à considérer, d'autant, si on compare la mécanisation et l'informatisation: l'un étant issu de l'autre.

    mais dans mon esprit, l'informatisation est plus proche d'un Big Bang, c'est à dire en pleine expansion.
    donc avec des territoires à explorer mais sans limite à atteindre (comme dans un "monde").

    je voudrais ne pas avoir raison car je pense qu'il est très important que votre groupe réussisse.

    voilà tout cela est un peu confus, mais c'est un grand plaisir de vous lire.

    usbek

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  2. @Pierre
    Le rapport de ce groupe de travail devrait être publié vers la fin octobre. Vous y trouverez la liste des membres du GT, celle des personnes rencontrées et bien sûr les recommandations.
    La mécanisation a été un "big bang" pour l'économie européenne au XVIIIe siècle. Elle a transformé la société, suscité des révolutions etc.
    L'informatisation en est un autre aujourd'hui, analogue par son ampleur mais différent bien sûr par ses modalités.

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  3. Bonjour,

    merci de votre réponse.

    Finalement, je n'aurais que peu de temps à attendre pour en savoir plus sur GT (la fin des vacances s'annonce chargé).

    Il y a des choses qui m'intéressent dans votre approche mais il y a une chose qui m'inquiète: "faite vous de la place pour l'imprévu".

    Voici un petit exemple naïf pour illustrer mon propos:

    Imaginons, nous sommes au début de l'informatique où les ordinateurs sont encore peu nombreux.
    Vous vous dites un jour:"cela est de moins en moins pratique d'amener manuellement des fichiers d'un ordinateur à l'autre et qu'est ce que cela va être quand il faudra monter les deux étages qui nous sépare de notre prochain local.
    Et si on faisait un système pour échanger automatiquement les fichiers entre les machines."
    Vous étudiez la question et après quelques efforts, enfin vous pouvez échanger des fichiers sans vous déplacer physiquement.
    Mais vous avez des petits facétieux dans votre équipe et l'un à l'idée originale d'appeler son fichier "Comment vas-tu yau de poêle?".
    Un autre apercevant le fichier appelle le sien "Et toile à matelas?"
    Et donc c'est plus un système de fichier,mais une messagerie que vous avez.

    Vous pouvez dire votre exemple est faussement naïf, un fichier c'est un message et donc la messagerie n'est qu'un plus produit d'un système de fichier.

    Bon Ok, la vision du haut vers le bas semble fonctionner, mais moi qui suit en bas, j'ai tendance à voir les choses sous un autre angle.

    J'ai l'impression que cela est trop rigide, trop dirigiste pour fonctionner.

    usbek

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  4. @Pierre
    C'est à peu près comme cela que ça s'est passé en 1971 lorsque Ray Tomlinson, qui travaillait chez BBN sur l'Arpanet, a inventé la messagerie en combinant une application qui ne fonctionnait qu'en local sur des mainframes avec le protocole de transfert de fichiers entre ordinateurs distants.
    Ni Tomlinson, ni personne d'autre n'a prévu à l'époque l'importance qu'allait avoir cette invention.

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  5. un peu de retard?
    j'avoue que le sujet est difficile.
    on a perdu notre secrétaire d'etat.:-(
    pierre

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